Autoformation sur le projet de loi immigration Darmanin

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Première publication le 18/05/2023
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Autoformation sur le projet de loi immigration Darmanin

Cet article est resté à l’état de draft depuis longtemps; il me semble qu’il pourrait être utile vu l’actualité. Depuis son écriture, le PJL est passé au Sénat, qui a durcit le texte; à l’Assemblée où il a été rejeté via une motion de rejet, puis en commission mixte paritaire. On pourra se référer à un article du Monde qui détaille les changements du texte. Mis à part la suppression de l’Aide Médicale d’État, le gros de ce billet reste valide.

Contexte

Il y a quelques semaines, j’ai participé à une formation de groupe sur la loi Darmanin, en cours de préparation à l’Assemblée. Avec les autres personnes, nous avons tout d’abord lu un résumé de la loi (officiellement appelée “Projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’information”), disponible sur cette page.

Nous avons ensuite lu une série d’amendements déposée par le Sénat datée du 15 mars 2023, assortie des commentaires de la CIMADE. Cette analyse est en soi suffisante factuellement; ce post ne vise pas à s’y substituer, mais plutôt à parler du processus d’autoformation et indiquer les éléments de la loi qui résonnent le plus avec mes combats.

Ci-dessous, une version retravaillée du compte-rendu qu’un participant avait rédigé.

Lecture du résumé de la loi

Travail

Orientation économique du texte originel : ça parle des « métiers en tension » mais ils évoluent apparemment donc comment ça va marcher après la première année d’autorisation de travail dans ces métiers ?

Faire venir de nouvelles personnes plutôt que de régulariser ceux qui sont là. Mais en même temps faut être là depuis 3 ans et avec 8 mois de métier.

Toute la charge administrative sur le travailleur.

Prouver que quelqu’un qui est en situation irrégulière est là depuis tant d’année = contradictoire – le travail illégal a toujours été nécessaire au maintien de l’économie.

Le marché du travail structure la migration.

Comment on juge des métiers en tension ? Est-ce que ça vient des employeurs ?

Intégration

« Talent-profession médical », carte d’accès pluriannuelle = immi d’élite, déficit de médecin

Le nombre d’heure de français sera établi par décret. Les employeurs peuvent proposer aux salariés des cours de français.

Possibilité d’éloignement

OQTF facilité notamment sur terrorisme mais en fait terrorisme maintenant ça recouvre beaucoup de choses + loi anti-squat = complémentaire

Violence contre les forces de l’ordre pour ouvrir les possibilités des flics

Comment ça va se passer matériellement pour virer les gens ? L’expérience de Mayotte c’est un test pour voir si ça peut marcher ?

Asile

Le fait de régionaliser la CNDA c’est un moyen de répartir le travail et d’accélérer les processus. Apparemment c’est plus rare de gagner l’appel… Si c’est long les procédures c’est bénéfiques parce que tu peux rester.

Lecture, analyse et restitution en groupe des amendements du Sénat

Nous étions divisé·e·s en trois groupes; je restitue ici les questions et points saillants que nous nous sommes communiqués.

Groupe 1

  • Regroupement familial restreint : 24 mois sur le sol français + le nouvel arrivant doit être en capacité de parler français A1, l’accueillant doit prouver la régularité de ses ressources, l’arrivant doit souscrire à une assurance maladie avant d’arriver (mais privée du coup)

  • Contrôle des conditions de résidence

  • Étrangers malades : prouver qu’on ne peut pas être soigner dans son pays d’origine + cout du traitement pris en charge par le pays d’origine. Médecins de l’OFII peuvent interroger et suivre le médecin traitant sans le consentement du patient. Conditions pour une prise en charge médicale : exceptionnelle gravité.

  • Carte de séjour pluriannuelle des étudiant·es : prouver le caractère « réel et sérieux » des études

  • Quand un refus est envisagé dans la procédure d’accès au titre de séjour, il y a examen de toutes les motifs qui pourraient fonder la délivrance d’un titre de séjour depuis la 1ère demande. Une façon de désimpliquer les acteurs de leurs trajectoires : comment c’est possible en termes pratiques ?

  • AME remplacée par aide médicale d’urgence et ne traitera que les cas les plus grave.

  • Exclusion des étrangers irréguliers des tarifs préférentiels dans les transports : mais ils n’avaient pas besoins de justif avant ?

  • Dans la formation d’intégration du CIR il y a de nouvelles exigences en terme de « histoire et culture française » + niveau de langue. Les titres de séjour sont adjacents au niveau de langue. Est-ce que ça peut retomber sur les asso ? Puisque uniquement l’État pourrait prendre cette charge et surveiller la « qualité » des enseignements FLE.

  • Personne née en France de parents étrangers, qui avait le droit du sol, avait la nationalité automatiquement à ses 16 ou 18 ans. On réintroduit la volonté du jeune à accéder à la nationalité. L’acquisition est impossible dans le cas de procédures judiciaires.

Groupe 2

  • Facilitation des conditions d’intégration des « Talents », regroupés en un même groupe : plus besoin de mise en équivalence des diplômes étrangers.

  • Retrait de la proposition (dans le projet de loi) de mettre une amende aux employeurs de sans-papiers

  • Facilitation de l’expulsion des sans-papiers : suppression des protections et élargissement des peines d’ITF (notamment dans le cas de violences intra-familiales) et de leur mise en effet immédiat

  • Recueil d’empreintes digitales et photographie : sur demande de l’OPJ et du procureur, peut se faire sans consentement pour les + de 18

  • Renforcement des sanctions : création d’un fichier « MNA délinquants », peine augmentée pour refus de décliner son identité, impossibilité d’accès au « contrat jeune majeur financé » pour les jeunes de 18 à 21 en OQTF

  • Respect des principes de la République : création d’un « contrat d’engagement au respect des principes de la République ». Si « non-respect des principes de la République », pas de nécessité d’avoir l’avis conforme de la commission des titres de séjour pour refuser une carte de résident

  • Radiation immédiate de Pole Emploi et de la sécu en cas d’OQTF

  • Restriction de la délivrance de visas pour des pays qui ne collaborent pas sur le plan de la gestion des flux migratoires. Retrait des aides pour ces pays (notamment ceux qui refusent les expulsions)

  • Extension de la durée maximale d’assignation à résidence et peines renforcées pour les actions menées en bande organisée.

Groupe 3

  • Suppression du délai d’un jour franc qui permettait aux personnes qui se voient refusé l’accès au territoire français de refuser leur retour dans leur pays d’origine

  • Visites de véhicule individuel spontanées et justifiées par la suspicion de transfert des personnes tentant de rentrer illégalement sur le territoire (que l’on interprète comme le renforcement de la surveillance des passeurs), et allongement de la durée maximale de L’IRTF passant de 3 ans à 5 ans (Interdiction de Rentrer sur le Territoire Français). (si il est ici question des passeurs, quid des passeurs français et de l’IRTF?)

  • Expérimentation de « France Asile » pendant 4 ans dans 10 départements. La personne faisant la demande d’asile doit attendre un délai de 21 jours pour avoir un entretien personnel

  • Pendant toute la procédure d’examen du dossier d’un demandeur d’asile, la personne est logée dans un hébergement spécifique. Désormais, si le dossier est refusé, il faut alors quitter le logement aussitôt (semble-t-il qu’on pose une loi sur une pratique déjà installée)

  • Dans les logements sociaux de chaque commune, au niveau de leur HUDA et CAES, sont ajouté les CADA et CPH (centralisation et ainsi réduction des places?) (Hébergement d’urgence des demandeurs d’asile; Centre d’accueil et d’évolution des situations; Centre d’accueil pour demandeurs d’asile; Centres provisoires d’hébergement)

  • De base, le demandeur d’asile dispose de 48h pour faire recours au refus de de l’asile, et le juge dispose de 72h pour rendre sa décision. Désormais, le délai de jugement passe à 6 semaines. En ce qui concerne les étrangers détenus, ils disposeront d’un délai de recours de 7 jours et d’un délai de jugement de 15 jours. (Le délai de recours étant actuellement de 15 jours nous semble-t-il). L’OQTF passe aussi de 1 à 2 ans.

  • Suppression de l’obligation d’un interprète en physique, possibilité de passer par le téléphone ou la Visio conférence

  • Quand le titre de séjour « étranger malade » est refusé et que la personne passe par le recours, l’OFII peut désormais intervenir sans prendre en compte le secret médical. (Office français de l’immigration et de l’intégration) La date d’exécution de la décision d’éloignement après le rejet d’un recours ne sera plus la date de la décision, mais celle de sa notification. Les visites domiciliaire d’un étranger assigné à résidence sont étendus à 144h et non plus 96h. Il s’agit d’une visite de contrôle autorisé par la JLD. Concernant le placement en détention, le JLD ne doit plus statuer dans les 48h, mais « à l’expiration du délai fixé au premier alinéa de l’article L741.10 ». (Rendant compliqué la demande de recours puisque la décision est donné au dernier moment si on a bien compris)

Avis

La méthodologie s’apparente à un arpentage, très adapté au décorticage d’un texte complexe. La présence d’une personne pour noter les questions que se posent le groupe (contexte qui manque? notion à clarifier?) est essentielle.

Globalement cette loi vise à stigmatiser encore plus l’immigration en dépit des faits: balance natale quasi-négative qui rend l’immigration nécessaire pour l’économie, négation des droits humains fondamentaux, création d’apatrides, renforcement du pouvoir de l’État Policier…

Et le traitement médiatique est complètement à chier sur ce sujet; on pourra visionner l’émission Rhinocéros de Blast à ce sujet.

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