Skelets numériques
Mémoire Vive
Edward Snowden
Pour cette fiche de lecture, je parlerai de l’autobiographie d’Edward Snowden: Permanent records en anglais, Mémoires vives en français.
Edward Snowden est un lanceur d’alerte qui a révélé au monde l’étendue des dispositifs de surveillance de masse mis en place par la NSA (National Security Agency), une agence des services secrets étasuniens. Snowden travaillait au sein de cette agence, et en a fait sortir en 2013 de nombreux documents; le gouvernement des états-unis l’a en retour poursuivi et, après quelques péripéties détaillées dans le livre, Snowden s’est retrouvé bloqué en Russie. À l’heure actuelle, il y est encore, militant toujours pour la protection de la vie privée sur internet.
J’ai lu la version française de l’ouvrage. La traduction était parfois hasardeuse, avec des accords en genre incohérents et des traductions qui semblaient être du mot à mot de l’anglais. J’ai de plus trouvé le style de Snowden un peu simplet, les quelques métaphores qu’il tente péniblement de caler de temps à autre tombent à l’eau. Les plus littéraires risquent de crisser un peu.
Toutefois, il y a quelque chose que Snowden réussit très bien: c’est de décrire un être humain. Son enfance heureuse à (essayer de) réparer des Famicom, son patriotisme aveugle né suite au 11 septembre, ses sentiments pour sa compagne… j’ai été ému par tous ses épisodes, qu’il raconte avec justesse (en justifiant peut-être parfois des éléments de sa vie future a posteriori en les comparant avec ses souvenirs). Un autre point que j’apprécie est qu’il ne cherche pas particulièrement à se mettre en valeur. Loin du cliché du militant martyr, on voit une personne rongée par le doute, jusqu’au bout. Il est prompt à reconnaître ses erreurs passées. Oh, et il accorde Chelsea Manning avec le bon genre.
Évidemment, Snowden parle de son cheminement philosophique, et de ce qui l’a amené à commettre son acte. Il détaille ses premières expériences sur l’Internet des années 90, et l’idéal de liberté et d’universalisme qu’il transmettait. La découverte progressive des actions entreprises illégalement par son gouvernement à l’encontre de ses concitoyens poussent ce fils de fonctionnaire à questionner ce que signifie véritablement servir son pays.
Si le système de surveillance que Snowden a contribué à révéler est d’une immense complexité, et malgré ce qu’on pourrait craindre, l’ouvrage est étonnamment léger sur l’aspect technique (à nuancer avec le fait que j’ai une formation d’ingénieur et que je fais de l’informatique mon métier). Snowden s’attache à n’introduire des notions techniques que quand c’est nécessaire pour comprendre son propos. Par exemple, il présente très simplement la technique du chiffrement de bout en bout, ce qui permet au lecteur d’en comprendre les enjeux politiques aisément.
Pour quelqu’un d’un tout petit peu au fait des luttes pour les libertés numériques, ce livre présente une bonne remise en contexte d’une des personnalités importantes de ce domaine. Un néophyte total sur la question pourrait y trouver une histoire trépidante et quelques pistes pour approfondir sa réflexion (ou pour passer à l’action).
Et le curieux se demandant qui est la personne au regard un peu rêveur sur la couverture pourrait découvrir l’histoire d’un véritable héros. Je pense en effet que Snowden est un héros moderne. Pas au sens où il est parfait, mais où il a fait ce qu’il estimait être juste malgré ce que cet acte allait lui coûter.